Le Courtier et sa Garantie Financière – Intermédiaire d’assurance – Conformité

Le Courtier et sa Garantie Financière

Destinée à protéger l’assuré (client de l’intermédiaire d’assurance), la garantie financière – constituée par un engagement de caution pris auprès d’un établissement bancaire ou d’une compagnie d’assurance – doit être d’un montant suffisant au regard notamment des fonds encaissés, dont le calcul doit être remis à jour annuellement.

Dans un article récemment paru dans l’ARGUS DE L’ASSURANCE[1], l’ACPR a fait passer de nouveau ce même message.

Comme pour certaines autres professions réglementées ou non[2], le législateur a imposé en 1989[3] la souscription d’un contrat de garantie financière pour les intermédiaires d’assurances afin de garantir les consommateurs d’assurance contre le risque d’insolvabilité et de détournement de fonds.

Condition d’accès à la profession de courtier, la fourniture d’une attestation de garantie financière conditionne l’immatriculation au registre des intermédiaires d’assurance pour laquelle l’ORIAS vérifie seulement soit l’existence de ce document, soit la fourniture par l’intermédiaire d’assurance concerné d’une déclaration sur l’honneur qui atteste qu’ils n’encaissent pas de fonds[4].

L’article L. 512-7 du Code des assurances impose à tout intermédiaire qui, même à titre occasionnel, encaisse des fonds[5] destinés à être versés soit à une entreprise d’assurance, soit à des assurés, ou qui a recours à un mandataire non agent chargé de transmettre ces fonds, la souscription d’une garantie financière spécialement affectée au remboursement de ces fonds aux assurés, sauf si ce mandataire peut justifier lui-même d’une telle garantie, les intermédiaires étant tenus d’être en mesure de justifier à tout moment leur situation au regard de cette obligation.

S’agissant des modalités de calcul, elles sont définies à l’article A. 512-5 du Code des Assurances. Pendant très longtemps, nombreux sont ceux qui ont cru que la somme de 115.000 € était le montant obligatoire sans avoir perçu qu’il ne s’agissait que d’un montant minimum. En effet, le montant de la garantie financière ne peut être inférieur au double du montant moyen mensuel des fonds encaissés par l’intermédiaire au cours des douze derniers mois précédant le mois de la date de souscription ou de reconduction de l’engagement de caution.

Pour son calcul, le montant de la garantie tient compte du total des fonds encaissés par l’intermédiaire et qui lui ont été confiés par les assurés en vue d’être versés à des entreprises d’assurance ou par toute personne physique ou morale en vue d’être versés aux assurés. De ce total sont déduits les versements pour lesquels l’intermédiaire a reçu d’une entreprise d’assurance un mandat écrit le chargeant expressément de l’encaissement des primes et accessoirement du règlement des sinistres. C’est ce dernier point qui, en pratique, est le plus délicat.

D’abord, il faut avoir recenser l’ensemble des conventions liant le cabinet de courtage à ses différents fournisseurs, assureurs ou courtiers grossistes. Ensuite, il convient de vérifier dans chacune l’existence d’une clause ou d’un avenant correspondant un mandat écrit le chargeant expressément de l’encaissement des primes ou cotisations et, éventuellement, du règlement des sinistres. Enfin, lorsque le support contractuel fait défaut, il convient de le réclamer et, le cas échéant, de le faire mettre à jour avec une clause vraiment adaptée correspondant aux exigences de l’autorité de tutelle en la matière.

A ce sujet, Arielle DALENS, adjointe au service de contrôle des intermédiaires de l’ACPR, expliquait[6] d’ailleurs que très fréquemment « l’intermédiaire … est convaincu de disposer d’un mandat de la compagnie pour encaisser les primes alors que la convention qui le lie à l’assureur ne le prévoit pas clairement. Celle-ci peut autoriser l’intermédiaire à encaisser des cotisations sans pour autant qu’il s’agisse d’un mandat exprès comme l’exige le texte… ». A l’issue d’une quarantaine de contrôle, le principal reproche formulé à l’égard des intermédiaires étaient qu’ils « ne revoient pas périodiquement le montant de leur garantie. Elle est souvent calculée au moment de l’installation du courtier et ne fait pas suffisamment l’objet de mises à jour régulières par la suite, alors qu’il faut procéder à une évaluation tous les ans ».

Bref, la conformité est un chemin et nécessite, une fois les différents sujets sous contrôle, des points réguliers afin de s’assurer de ne pas dévier des exigences réglementaires. Ses actions de mise en conformité et de surveillance régulière, d’audit et de contrôle interne étant logiquement éloignées de vos préoccupations quotidiennes, n’hésitez à me contacter pour vous accompagner afin de vous consacrer à ceux qui ont besoin de votre valeur ajoutée : vos clients !

Me Alain CURTET

Avocat au Barreau de PARIS

 


[1] – ARGUS DE L’ASSURANCE, « Garantie financière : « Il faut procéder à son évaluation tous les ans» (ACPR), 26/08/2019

[2] – administrateurs et mandataires, notaires, architectes, entrepreneurs et techniciens, entreprises de travail temporaire, agents immobiliers, administrateurs de biens et syndics, …

[3] – La loi no 89-1014 du 31 décembre 1989 (JO 3 janv. 1990) et le décret no 90-843 du 24 septembre 1990 (JO 25 sept.). Ces obligations de couverture de responsabilité civile et de garantie financière n’étant, depuis la loi no 2005-1564 du 15 décembre 2005 (JO 16 déc.), plus limitées aux seuls courtiers en assurance (C. assur., art. L. 512-6 et L. 512-7).

[4]Article A 512-1 7° du Code des Assurances

[5] – Il faut entendre par encaissement de fonds le fait pour l’intermédiaire de les recevoir en son nom, sous la forme numéraire ou scripturale, et de les faire transiter par un compte à son nom. Il n’y a pas encaissement de fonds lorsque l’intermédiaire est seulement chargé de la réception de chèques libellés au nom de l’assureur ou remise matérielle des sommes dues aux assurés ou bénéficiaire, qu’il fait immédiatement transiter au destinataire sans les encaisser effectivement

[6] – ARGUS DE L’ASSURANCE, « Garantie financière : «Il faut procéder à son évaluation tous les ans» (ACPR), 26/08/2019

Lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (LCBFT) ans le secteur immobilier

Lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (LCBFT) dans le secteur immobilier

A côté des secteurs bancaires et assurantiels, le secteur immobilier doit se sentir également très concerné en matière de lutte contre le blanchiment et de financement du terrorisme (LCBFT). Pour le GAFI, le secteur immobilier figure parmi les branches les plus exposées aux tentatives des criminels d’intégrer des capitaux à blanchir dans le circuit économique légal. TRACFIN estime de son côté que le secteur figure parmi les « mauvais élève » au regard du nombre de déclarations de sanction[1].

Créée en 2009, la Commission Nationale des Sanctions[2] est l’autorité indépendante chargée de sanctionner les manquements aux obligations issues du dispositif de LCB/FT commis par les professionnels soumis à ce dispositif[3].

Venant de rendre public son rapport annuel pour l’année 2018, on apprend que sur les 128 sanctions prononcées par la Commission nationale des sanctions en 2018, 89[4] concernent des agences immobilières.

Parmi les manquements généralement constatés qui conduisent à la sanction, on constate malheureusement les mêmes reproches qu’au cours des années antérieures :

  • absence de formation et d’information des collaborateurs sur la LCBFT,
  • absence de mise en place des systèmes d’évaluation et de gestion des risques,
  • manquements portant sur l’obligation d’identification et de vérification de l’identité du client et des bénéficiaires effectifs.

 

Le non-respect des obligation précitées à entrainer le prononcé de plusieurs types de sanctions, parfois cumulatives, incluant 33 d’interdictions temporaire d’exercice de l’activité avec sursis, 4 avertissements, 2 blâmes et 33 sanctions pécuniaires[5].

En dépit de la multiplication des sanctions et de la publicité qui leur est donnée, le président de la CNS estime que la connaissance par les professionnels de l’immobilier de leurs obligations demeure insuffisante ou n’est pas encore assez précise.

Si jusqu’à présent la publication anonymisée des décisions de sanction est quasi systématique dans un but d’information des professionnels du secteur, le principe sera désormais inversé, à l’instar de ce que font l’ACPR ou l’AMF, la publication sera nominative sauf exception décidée par la CNS sollicité par le défendeur (ordonnance du 1er décembre 2016 et le décret d’application du 18 avril 2018)

Il est donc urgent pour tous les acteurs du secteur immobilier d’entamer une démarche de mise en conformité consistant notamment :

– à se doter d’un système de gestion et d’évaluation des risques en veillant à l’adapter aux caractéristiques de leur activité et de leur clientèle, et le partager à l’ensemble de leurs collaborateurs et/ou apporteurs d’affaires éventuels ;

– à mettre en place des procédures d’identification des clients, tant personnes physiques que les personnes morales, françaises ou étrangères, personnes politiquement exposées (PPE) ou non,

– à recueillir un maximum d’informations sur le client lui-même et sur l’opération immobilière envisagée,

– à sensibiliser et former l’ensemble des collaborateurs sur cette thématique.

 

Le fait que les clients soient présentés par des tiers (notaire ou avocat) n’exonère pas l’agent immobilier, en sa qualité de professionnel assujeti, de ses obligations. De même, l’intervention d’un notaire pour la rédaction des actes juridiques et/ou le financement par un établissement bancaire n’est pas plus de nature à exonérer le professionnel de ses obligations en matière de LCBFT.

Bref, la démarche est donc propre à chaque cabinet qui peut, si nécessaire, se faire accompagner pour trouver des solutions pragmatiques de mise en œuvre de cette législation au regard de sa propre organisation, de sa typologie de clientèle, ….

 

Me Alain CURTET

Avocat au Barreau de PARIS

 


[1] – Sur un peu plus de 76.000 déclarations de soupçons (DS) reçues par Tracfin, seules 274 (soit environ 0,4% du total des DS) émanaient de professionnels de l’immobilier, un chiffre toutefois en progression de 54 % par rapport au nombre de DS de l’année précédente

[2] – régie par les dispositions L. 561-38 et suivantes et R. 561-43 et suivants du Code Monétaire et Financier

[3] – Parmi lesquels on trouve notamment les agents immobiliers, les sociétés de domiciliation, les professionnels du secteur des jeux et paris traditionnels (FDJ, PMU, casinos, ….) ou en ligne, les antiquaires, les agents sportifs ou encore les personnes se livrant au commerce de certains biens (pierres précieuses, métaux précieux, bijoux ….).

[4] – soit 70 % de l’ensemble des décisions de sanction

[5] – Si les sanctions pécuniaires peuvent aller jusqu’ à 5 Millions d’euros, en 2018, 9 sanctions pécuniaires sur 48 ont atteint un montant supérieur ou égal à 5 000 euros, dont 3 sanctions de 10 000 euros ou plus