Démarchage téléphonique : nouvelles règles & nouvelles sanctions
Renforçant l’encadrement de la pratique du démarchage téléphonique, la faculté pour un professionnel de démarcher un consommateur inscrit sur la liste Bloctel est désormais très restreinte et les sanctions encourues en cas de non-respect de la réglementation sont très largement alourdies.
1/ Pourquoi une nouvelle réforme :
Succédant au dispositif « PACITEL » créé en 2011, tout consommateur pouvait depuis 2016, s’inscrire sur une liste d’opposition au démarchage téléphonique répertoriant les personnes ne souhaitant pas être démarchées dite « liste BLOCTEL » (www.bloctel.gouv.fr).
S’il a amélioré la situation, ce mécanisme d’opt out, où par défaut le consentement est acquis et, par action, tout consommateur user de son droit d’opposition, présente toujours une efficacité très moyenne puisque, notamment des personnes inscrites sur cette liste d’opposition continuent néanmoins de recevoir des appels.
Les nuisances téléphoniques sont connues, les plaintes des consommateurs sont en constantes augmentation et les abus ont entrainé des réactions énergiques des associations de consommateurs.
2/ La réforme elle-même :
Pour éviter une interdiction absolue du démarchage téléphonique demandée par des associations de consommateurs (AFOC, Familles Rurales, UFC-Que Choisir et UNAF), les professionnels du secteur de l’assurance avaient, en concertation avec ces dernières, défini les bonnes pratiques à mettre en œuvre, lesquelles avaient été formalisées dans un avis du Comité consultatif du secteur financier (CCSF) (CCSF) du 19 novembre 2019 sur le démarchage téléphonique en assurance.
Consécutif à une proposition de loi n°1284 déposée par le député Christophe NAEGELEN en octobre 2018, le nouveau régime juridique applicable résulte de la loi n° 2020-901 du 24 juillet 2020 visant à encadrer « le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux » qui vient modifier le code de la consommation.
3/ Le contenu de la réforme
Information renforcée du consommateur
Le professionnel qui contacte un consommateur par téléphone, en vue de conclure un contrat portant sur la vente d’un bien ou sur la fourniture d’un service, doit désormais faire état du droit qu’a le consommateur de s’inscrire gratuitement sur la liste d’opposition au démarchage téléphonique (Art. L. 221-16 C. Conso).
Cette information doit être fournie au début de la conversation et doit également être mentionnée dans tout contrat souscrit par un consommateur avec un fournisseur de services de communications électroniques (Art. 224-30 C. Conso). Ce même professionnel doit également préciser son identité, de manière claire, précise et compréhensible, ou à défaut l’identité de la personne pour le compte de laquelle il effectue cet appel et la nature commerciale de celui-ci.
Aménagement de l’interdiction de démarcher une personne inscrite sur Bloctel
Dès lors qu’un consommateur est inscrit sur BLOCTEL, l’appel d’un professionnel est licite exclusivement pour des sollicitations intervenant dans le cadre de l’exécution d’un contrat en cours et ayant un rapport avec l’objet de ce contrat, y compris lorsqu’il s’agit de proposer au consommateur des produits ou des services afférents ou complémentaires à l’objet du contrat en cours ou de nature à améliorer ses performances ou sa qualité (Art. L. 223-1 C. Conso). Aussi, le seul fait d’être un client ou un ancien client n’est plus suffisant pour justifier le démarchage téléphonique d’un professionnel.
Interdiction du démarchage téléphonique pour un secteur entier
Est désormais interdite toute prospection commerciale de consommateurs par des professionnels, par voie téléphonique, ayant pour objet la vente d’équipements ou la réalisation de travaux pour des logements en vue de la réalisation d’économies d’énergie ou de la production d’énergies renouvelables, sauf si la sollicitation intervient dans le cadre de l’exécution d’un contrat en cours et ayant un rapport avec l’objet dudit contrat.
Cette prohibition est générale et ne concerne pas seulement les personnes inscrites sur BLOCTEL.
Consultation obligatoire de la liste BLOCTEL par le professionnel
Désormais, tout professionnel doit s’assurer de la conformité de ses fichiers de prospection commerciale avec la liste d’opposition au démarchage téléphonique au moins une fois par mois s’il exerce à titre habituel une activité de démarchage téléphonique et avant toute campagne de démarchage téléphonique dans les autres cas.
Jours et horaires de la prospection téléphonique
Les jours, les horaires et la fréquence auxquels le démarchage téléphonique pourra avoir lieu vont être fixés par décret, pris après avis du Conseil national de la consommation.
Certains jours (dimanches, jours féries) seront probablement interdits et certains horaires (avant 8H, entre 12h30 et 13H30, après 20H) assurément prohibés.
Principe de responsabilité du professionnel
Par défaut, tout professionnel qui tirera profit de sollicitations commerciales de consommateurs réalisées par voie téléphonique en cas d’agissements contrevenant à l’opposition au démarchage téléphonique sera présumé responsable du non-respect de la réglementation.
Pour pouvoir s’exonérer de cette présomption simple de responsabilité, le professionnel devra démontrer et apporter la preuve qu’il n’était pas à l’origine de cette violation. Comme pour les autres sujets de conformité réglementaire, une documentation spécifique s’impose donc.
Renforcement des sanctions encourues
Même si la DDPP est actuellement très active, les sanctions financières n’étaient pas suffisamment dissuasives.
Désormais, l’amende administrative encourue en cas de manquement à la réglementation sur le démarchage téléphonique est portée à 75 000 € pour une personne physique et à 375 000 € pour une personne morale, au lieu de 15 000 € et 75 000 € auparavant (Art. L. 242-14 et L 242-16 C. Conso.).
De plus, tout contrat conclu avec un consommateur à la suite d’un démarchage téléphonique réalisé en violation des nouvelles dispositions du code de la consommation est nul (Art. L. 223-1 C. Conso in fine). S’agissant d’une nullité relative, le consommateur pourra l’invoquer pendant 5 ans à compter du jour où il aurait dû avoir les informations le protégeant.